J’ai adoré l’article de Rima Elkouri dans La Presse cette semaine sur la mode des exercices de confinement dans les écoles. Ces exercices ont pour but de préparer les élèves à la présence d’un tireur dans l’école, un crime fortement médiatisé depuis plusieurs années. Je savais que ce genre d’initiative existait aux États-Unis depuis longtemps, mais j’ignorais qu’on faisait de même ici.
J’ai adoré parce que ce n’est pas un article populiste qui exploite la peur des gens, mais qui cherche plutôt à expliquer pourquoi mettre des jeunes dans une telle situation, même simulée, peut être une mauvaise idée à cause du caractère hautement émotionnel de ce genre d’évènements. Si on accuse les médias de prendre trop souvent le côté du sensationnalisme, on ne peut que les féliciter lorsqu’ils font le contraire. Sans trop de surprises, les nombreux commentaires qu’elle a reçus (disponible en fin d’article) semblent indiquer que plusieurs lecteurs demeurent sceptiques, même si les observations de Mme Elkouri et des gens qu’elle a rencontrés sont très légitimes. Personnellement, je ne crois pas que ce genre d’exercice de confinement soit particulièrement utile, et je pense qu’ils peuvent carrément être contreproductifs en marquant négativement un enfant en bas âge.
Peu importe la perception, hautement influencée par les médias de masse, que les cas de fusillades dans les écoles ou dans d’autres endroits publics sont significativement en hausse depuis plusieurs années, les chiffres sont loin d’être convaincants. Aux États-Unis, les décès annuels causés par ce genre d’incident fluctuent d’une année à l’autre, ce qui n’est pas vraiment surprenant lorsqu’on parle d’une incidence aussi faible (autour de 100 décès par année, et cela inclus tous les lieux publics). Ils sont tout simplement plus médiatisés, et des drames qui n’auraient profité auparavant que d’une couverture locale sont maintenant montrés par les chaînes nationales d’information continue.
Ces décès, extrêmement tragiques mais tout aussi rares, sont à comparer aux 81.5 millions inscrits aux études primaires, secondaires et post-secondaires, toujours aux États-Unis. Les chances de mourir dans un tel incident sont donc une fraction de pourcentage. Les chances de vivre un tel incident (être présent dans une école sans être directement impliqué) sont évidemment plus grandes, mais demeure tout de même minuscules.
De l’autre côté, on peut se demander l’impact psychologique sur un enfant d’un exercice de confinement spécifiant la présence d’un tueur leur voulant du mal. Il s’agit d’une menace personnelle qui peut être stressante, surtout pour un enfant de bas âge. Si seulement une petite fraction d’entre eux en vient à être affectée, on parle quand même de millions d’enfants, tout ça pour se prémunir d’un risque comparativement bien plus rare. Affecté doit évidemment être pris ici au sens large: de mauvais souvenirs jusqu’au développement d’anxiété face au risque de fusillade, une anxiété qui n’est pas rationnelle par rapport au risque réel qu’ont des enfants à fréquenter le milieu scolaire.
Qui plus est, ce genre d’exercice n’est véritablement efficace (en tant que mesure de sécurité) que s’il est pratiqué de façon répétée, tout comme les exercices d’évacuations à cause en cas d’incendie sont pratiqués annuellement. 4000 feux sont déclarés à chaque année dans des établissements scolaires américains, et même si la vaste majorité de ces feux ne causent pas de pertes de vie humaine, il s’agit d’un risque bien plus commun que les fusillades.
La palme des mesures les plus contre-productive revient par contre à certaines écoles américaines qui ont décidé de s’équiper d’arme à feu pour se défendre, dans le scénario hollywoodien qu’ils se sont créé, d’un éventuel forcené. Heureusement, je ne crois pas voir de telles initiatives au Québec de sitôt.